Des clics politiques et des décryptages

Le scrutin de liste, le scrutin de tous les dangers...
Dire qu'il y a trois mois on pensait que le psychodrame de l'année pour les régionales allait se jouer au PS, une fois de plus. A l'époque, Bernard Roman goutait peu que Pierre de Saintignon conduise la liste du Nord et lui fasse éventuellement de l'ombre sur son poste de grand argentier de la région. Depuis, les choses sont rentrées dans le rang, au prix sans doute d'un pacte entre les deux hommes, dont les termes sont liés à la probable sortie anticipée de Roman au moment des législatives de 2012, étant frappé par le cumul des mandats. Au final, le PS s'en sort sans encombre et peut même se targuer d'avoir établi ses listes dès le mois de décembre.

Ensuite, on a cru que c'était du côté d'Europe Ecologie que le mistigri de la composition de liste allait rejaillir. Eux avaient fort a faire : respect de la loi sur la parité, exigence statutaire d'aligner 50 % de Verts et 50 % de non-Verts sur les places éligibles, prise en compte des territoires malgré le tropisme d'une métropole lilloise bassin "naturel" des écolos. De quoi donner des vertiges au Lillois Eric Quiquet à qui revenait de négocier avec l'ensemble des composantes. Et finalement, ça l'a fait aussi du côté d'Europe Ecologie.

Enfin il y a le cas Majorité présidentielle. La droite a trouvé le moyen de se mettre en difficulté toute seule à l'orée de la campagne. On le sentait venir depuis la désignation de Valérie Létard, l'an dernier. Si l'ancrage local de la candidate est indéniable, il est aussi à peu près limpide que son rôle de tête de liste procède en fait des accords nationaux entre le Nouveau centre et l'UMP, frappés du sceau elyséen... Résultat : Thierry Lazaro, le chef de file "le mieux investi des militants" comme il se plaît à le rappeller, doit mettre son pouce dans sa main et laisser la place à la Valenciennoise. Pendant quelques temps, le député-maire de Phalempin donne même le change, en bon soldat.

Les divisions de la droite ressurgissent
Et puis patatras. La constitution de la liste d'union fait monter la température du bouillonnant Thierry Lazaro, qui vient d'annoncer son retrait pur et simple de la liste, après avoir fait monter les enchères au cours de cette semaine où tout devait se boucler à droite. Pourquoi ?

1/Parce que, dit-il, Thierry Lazaro était soucieux de faire monter une jeune génération. C'était en tous cas la première raison invoquée. Au final, les "jeunes" sont bien là : Florence Bariseau (Villeneuve d'Ascq, 37 ans) est 5e du Nord. Sébastien Leprêtre (maire de La Madeleine, 38 ans) est 8e. Gerald Darmanin (Tourcoing, 28 ans) est 12e.


2/Parce qu'il estime que l'UMP est lésée dans l'attribution des places éligibles par rapport à ses partenaires Nouveau Centre, gauche moderne, radicaux, etc.... "On est loin des 25 % tout compris prévus au début", souffle l'élu de la Pévèle. Et de fait, avec 12 UMP "pur jus" dans le Nord, on est plus proche des 40 %. Mais surtout, il y a des symboles qui ne passent pas.
Comme la présence de plusieurs candidats nouveau centre sur la liste, bien sûr. Lazaro a de la mémoire, et il se souvient du coup de trafalgar des élus nouveau centre en 2002 (l'UDF à l'époque), quand il ont décidé de créer un groupe parlementaire après avoir été investi sur des circonscription qui leur avaient été résérvées par l'UMP.
Comme la présence d'un Modem -Mohammed Abdelatif- (au passage on se demande quel sort va lui être reservé par Olivier Henno) en 18e position.
Et surtout comme la présence d'une "socialiste" -Anne Sophie Taszareck-, ancienne présidente du MJS 62, qui s'était fait connaître en étant sanctionnée ès qualité par les instances nationales du MJS pour ses prises de position lors des municipales post Dalongeville à Hénin-Beaumont. De quoi donner des aigreurs au gaulliste "pur jus" qu'est Lazaro. "La politique aujourd’hui c’est faire des coups, récupérer quelques isolés d’autres camps sans se rendre compte que les loyaux, les fidèles, finissent un jour par se détourner, non pas de leurs convictions mais d’un chemin qui semblait être tracé par des chefs et qui ne sont en fait qu’illusions", écrit-il dans sa "lettre ouverte à qui voudra bien la lire".

En toile de fond, ce sont les divisions de la droite qui ressurgissent.

On sait que Thierry Lazaro n'a jamais eu que la méfiance pour Marc-Philippe Daubresse, qui représente la sensibilité centriste dans l'UMP. Que l'homme ait été à la manoeuvre dans la constitution de la liste n'est pas neutre pour comprendre l'énième coup d'éclat de Lazaro. D'ailleurs l'insistance de ce dernier pour que Sébastien Leprêtre figure en haut de liste en dit long sur le bras de fer, le Maire de La Madeleine étant assez bien placé pour faire de l'ombre pour contester le leadership de Marc-Philippe Daubresse sur son territoire de député.

On sait aussi que Thierry Lazaro n'a pas de mots assez durs contre Jacques Vernier, le maire de Douai. Entre eux, le divorce est consommé depuis le départ de Marie-Hélène Quatreboeufs, proche collaboratrice de Thierry Lazaro, de la majorité municipale à Douai pour cause de relations houleuses. Les deux hommes avaient manifestement des comptes à régler. La constitution de la liste leur a donné l'occasion de les solder...

Sébastien LEROY